Toldot : un héritage de rire
Avraham nomma le fils…, que Sarah lui avait donné, Yits’hak
(« Rire »).
Et Sarah dit: « D.ieu a fait rire à mon propos; tous ceux qui entendront riront pour moi ». (Genèse 21:3,
Alors nos bouches seront pleines de rire et nos langues de chants. (Psaumes 126,2)
La Torah se divise en 54 Paracha (sections ou portions), chacune d’entre elles étant étudiée et lue en public à la synagogue, durant les semaines de l’année. Chaque Paracha possède un nom dérivé de ses premiers versets ; et pourtant aucune loi précise ne détermine quel doit être le mot (ou les mots) choisi pour l’identifier. On peut observer, par exemple, les sections qui commencent par les mots « Et Kora’h prit » et « Et Balak vit » qui sont nommées respectivement Kora’h et Balak ; mais la section commençant par « Et Yaakov sortit » est appelée Vayétsé (et il sortit), et celle commençant par « Et Yehouda s’approcha de lui » est nommée: Vayigach (et il s’approcha) plutôt que Yaakov et Yehouda .
Les Maîtres de la ‘Hassidout expliquent que le nom de chaque Paracha renferme un enseignement lié à l’ensemble de la Paracha et d’un enseignement éternel pour chaque génération. Aussi, chaque Paracha reçoit-elle le nom qui lui est le plus approprié et qui intensifie son importance dans notre vie.
L’on peut observer ce fait dans la Paracha de cette semaine, appelée Toldot (« chroniques » ou « progéniture »), selon ses mots d’ouverture: « Et voici les chroniques de Yits’hak ». Mais il y a cinq semaines nous avons lu une section commençant par « Et voici les chroniques de Noa’h » et cette Paracha était appelée Noa’h. Il est bien évident que deux Paracha ne pouvaient pas recevoir le même nom. Mais si le choix du nom Toldot ne devait se justifier que parce qu’il était le premier mot adéquat dans l’ouverture de la Paracha, c’est la section de Noa’h, la plus antérieure, qui aurait du le porter et notre Paracha s’appeler Yits’hak pour s’en distinguer. Il est donc clair que quelque chose dans les chroniques de Yits’hak justifie que le nom de Toldot est plus adéquat que pour celles de Noa’h.
Le commencement et la fin
Car « toldot » n’est pas un simple mot: c’est un terme qui embrasse l’univers, traverse toute l’histoire et décrit notre mission dans la vie. Après le récit de la Création du monde par D.ieu en six jours et Sa désignation d’un septième jour de repos, la Torah entame l’histoire de l’homme par les mots: « Voici les ‘toldot’ du ciel et de la terre au moment de leur création… ».
Dix-huit livres et trois mille ans plus tard, la Torah conclut le livre de Ruth par les versets suivants :
« Et voici les ‘Toldot’ de Perets:Perets engendra ‘Hetsron, ‘Hetsron engendra Ram, Ram engendra Aminadav, Aminadav engendra Na’hchon, Na’hchon engendra Salmah, Salmah engendra Boaz, Boaz engendra Yichaïet Yichaï engendra David ».
Dit le Midrach :
Le mot « toldot » apparaît partout dans la Torah avec une orthographe élidée (c’est-à-dire qu’il lui manque la lettre « vav »), à l’exception de deux occurrences: « voici les chroniques de Perets » et « voici les chroniques du ciel et de la terre au moment de leur création ». Pourquoi manque-t-il le « vav » partout ailleurs? A cause des six (la lettre vav a une valeur numérique de six) choses prises à Adam: sa luminosité, sa vie, sa stature, le fruit de la terre, le fruit des arbres et les luminaires… Car bien que le monde fût créé parfait, ces choses furent ruinées par le péché d’Adam et ne sera restauré que par la venue du (Machia’h) descendant de Perets.
L’histoire de l’homme est le voyage de « toldot » en « toldot », depuis le monde parfait que D.ieu créa jusqu’à la perfection qui sera restaurée à l’époque de Machia’h. Selon les mots simples de Rachi: »Les ‘toldot’ des Justes sont leurs bonnes actions ».
Noa’h et Yits’hak
Les accomplissements de l’homme s’expriment de deux façons: les « chroniques » de Noa’h et les « chroniques de Yits’hak ».
Le nom « Noa’h » signifie « la tranquillité » ; « Yits’hak » signifie « le rire ». Nombreux sont ceux qui rêvent de tranquillité et consacrent leur vie à sa recherche, dans le chaos et les luttes qui définissent l’existence présente,. En fait, « la Torah fut donnée pour apporter la paix au monde », pour transformer ses différentes forces et luttes en un miroir harmonieux de l’harmonie parfaite de Son Créateur.
Mais l’on peut également rétorquer qu’une existence des plus tranquilles n’est pas une existence; que si le but de la Création avait été la tranquillité, ce but aurait été également (voire mieux) servi en ne créant pas du tout de monde. Il est donc peu étonnant que bien peu de gens ne trouvent de satisfaction durable dans la tranquillité. Nous voulons plus de la vie que l’absence de discorde. Nous voulons la joie, nous voulons le rire dans notre vie.
C’est là que réside l’intention ultime de la Création : faire de notre monde une source de joie pour l’homme et pour D.ieu.
Ainsi, si une Parachah de la Torah s’appelle « Toldot », ce sont les « toldot » de Yits’hak plutôt que de Noa’h. S’il est une « chronique » qui retrace la saga de l’homme et une « progéniture » qui résume le fruit de ses labeurs, c’est une chronique de joie et une progéniture de rire.
Père et fils
Voici les chroniques de Yits’hak le fils d’Avraham ; Avraham engendra Yits’hak. (Beréchit 25:19)
De nombreux commentateurs s’interrogent sur la phrase répétitive de ce verset : si la Torah identifie Yits’hak comme « le fils d’Avraham », qu’ajoute l’information qu’ »Avraham engendra Yits’hak » ?
L’un de nos Rabbis propose l’explication suivante :
Souvent nous sommes confrontés à ce que nous appelons « le fossé des générations », les parents et les enfants se trouvent en situation conflictuelle parce qu’ils ont une vue différente du monde et basent leur vie sur un système de valeurs différent. Parfois, l’opposition et le mépris sont réciproques. Dans les formes moins sévères, cela ne peut se révéler que d’un côté: les parents peuvent être fiers des accomplissements de leurs enfants alors que ces derniers dédaignent le « primitivisme » et le côté « vieux jeu » de leurs parents.
A l’opposé, les enfants peuvent révérer leurs parents et ce qu’ils représentent alors que ceux-là sont vivement déçus de leurs enfants et honteux de leur comportement.
La Torah nous dit que, dans le cas des deux premières générations de Juifs, il n’y avait pas de « fossé »: Yits’hak n’avait aucune réserve quant au fait d’être « le fils d’Avraham » et Avraham n’était pas moins prêt à être identifié comme le père de Yits’hak . Malgré le fait qu’ils représentassent deux approches de la vie différentes, Yits’hak sentait que tout ce qu’il était et tout ce qu’il avait, il le devait à Avraham et Avraham voyait en Yits’hak l’accomplissement et la réalisation de son moi profond.
(source site http://www.loubavitch.fr)